Prix Kavli 2020

Une recherche en astronomie observationnelle du rayonnement X, des inventions de lentilles corrigées des aberrations pour microscopes électroniques, et la découverte de récepteurs sensoriels pour la température et la pression remportent le Prix Kavli d’un montant de 3 millions de dollars.

Sept scientifiques originaires de cinq pays honorés pour leurs découvertes révolutionnaires en astrophysique, en nanosciences et en neurosciences

Le 27 mai 2020 (OSLO) — L’Académie norvégienne des sciences et des lettres a annoncé aujourd’hui les lauréats du Prix Kavli 2020 dans les domaines de l’astrophysique, des nanosciences et des neurosciences. Cette année, le Prix Kavli rend hommage aux scientifiques dont la recherche a transformé notre vision du très-grand, du très-petit et du très-complexe. Les laureats de chaque domaine partageront 1 million USD.

Les lauréats du Prix Kavli de cette année sont :

  • Prix Kavli en astrophysique : Andrew Fabian (Royaume-Uni)
  • Prix Kavli en nanosciences : Harald Rose (Allemagne), Maximilian Haider (Autriche), Knut Urban (Allemagne) et Ondrej L Krivanek (Royaume-Uni et République tchèque)
  • Prix Kavli en neurosciences : David Julius (États-Unis) et Ardem Patapoutian (États-Unis)

« Les lauréats du Prix Kavli 2020 symbolisent une science véritablement pionnière, le genre de science qui profitera profondément à l’humanité, en inspirant à la fois les générations actuelles et futures », déclare Hans Petter Graver, président de l’Académie norvégienne des sciences et des lettres.

Lauréats 2020 du Prix Kavli

Comprendre le rôle des trous noirs dans « l’écosystème » des galaxies

Le Prix Kavli en astrophysique est décerné à l’astronome et astrophysicien Andrew Fabian pour ses recherches pionnières et sa persistance dans l’exploration du mystère de l’influence des trous noirs sur les galaxies environnantes, à grande et à petite échelle. Depuis des décennies, les chercheurs réfléchissent à la mécanique et aux processus physiques des galaxies, et beaucoup ont fait des découvertes qui s’orientent sur des aspects de leurs rouages internes. Pourtant, aucun n’a adopté le point de vue unique de Fabian : prendre une vision à plusieurs échelles et savoir systématiquement où chercher pour assembler les pièces du puzzle et créer une vue d’ensemble de ce vaste écosystème.

Dans le paradigme cosmologique actuel, l’univers est un système « vivant », où les écoulements de gaz dans les galaxies et les trous noirs se trouvant au centre, ainsi que le retour d’énergie dans les galaxies et leur environnement, jouent tous des rôles fondamentaux. Les trous noirs sont les objets les plus sombres de l’univers, dont le mécanisme est observé. En effet, leur gravité attire le gaz, les poussières et les étoiles alentour, qui y tournoient à grande vitesse et créent un rayonnement intense, dont une grande partie sont des rayons X. L’astronomie observationnelle du rayonnement X a ouvert la voie à l’étude de ces composants ainsi que d’autres éléments extrêmement chauds et énergiques, fournissant des preuves étonnantes de ces processus en action, dévoilant comment les principaux constituants de l’univers peuvent influencer profondément son évolution globale.

Fabian, professeur à l’Université de Cambridge, a recours à l’astronomie du rayonnement X pour explorer la physique de l’univers. Ses travaux (de la compréhension de l’évolution galactique à grande échelle à la physique des trous noirs au centre des galaxies) lui ont permis d’établir des liens entre les conditions locales autour des trous noirs supermassifs et les plus grands écoulements de gaz à l’intérieur des galaxies et entre elles. Ces recherches ont fourni la preuve que les trous noirs supermassifs au cœur des galaxies sont les moteurs qui conduisent le flux de gaz chaud hors de la galaxie, redistribuant l’énergie dans l’univers et mettant en place les fondements de la formation de galaxies à venir.

« Fabian est l’un des astronomes les plus prolifiques et influents de notre époque », a déclaré Viggo Hansteen, président du Comité du Prix Kavli en astrophysique. « Ses recherches, l’étendue de ses connaissances et sa maîtrise de l’univers ont apporté l’explication physique essentielle de l’interdépendance entre les divers phénomènes de cet écosystème. »

Pour plus d’informations, consulter le site Internet du Prix Kavli.

Permettre aux scientifiques de voir ce qui était autrefois impossible

Le Prix Kavli en nanosciences est décerné à quatre scientifiques pour leurs recherches et inventions de lentilles corrigées des aberrations dans des microscopes électroniques, qui permettent aux chercheurs du monde entier de voir la structure et la composition chimique de matériaux en trois dimensions sur les plus petites échelles jamais exploitées auparavant : Harald Rose de l’Universität Ulm et Technical University of Darmstadt, Maximilian Haider de CEOS GmbH, Knut Urban du Forschungszentrum Jülich et Ondrej Krivanek de Nion Co.

L’un des principaux objectifs de la nanoscience est de créer des matériaux et des dispositifs assemblés avec une précision à l’échelle atomique pour obtenir des fonctionnalités nouvelles. La taille d’un atome est d’environ un angström (0,1 nanomètre), de sorte qu’il est crucial de pouvoir s’appuyer sur l’imagerie et l’analyse de matériaux ainsi que sur des dispositifs à l’échelle du sous-angström pour mettre en lumière les détails du monde nanométrique. La résolution d’un microscope classique est limitée par la longueur d’onde de la sonde utilisée pour l’imagerie. Comme la longueur d’onde de la lumière visible est environ 5000 fois supérieure à un atome, les lentilles optiques ne peuvent tout simplement pas reproduire l’image des atomes. 

Les faisceaux d’électrons à l’échelle atomique sont devenus accessibles au début du 20e siècle et ont conduit à l’invention du microscope électronique par transmission en 1931. Avec ce type de microscopie, un faisceau d’électrons était transmis à travers un matériau mince pour former une image basée sur l’interaction créée avec les électrons. L’image était ensuite agrandie et focalisée sur un dispositif d’imagerie. Mais les images rendues étaient déformées et floues, car la confection de lentilles idéales pour focaliser les faisceaux d’électrons s’avérait être un véritable obstacle théorique et expérimental. Le problème a persisté pendant plus de 60 ans, alors que théoriciens et expérimentateurs s’efforçaient de trouver une solution. Grâce à leurs connaissances, à leurs compétences et à l’augmentation de la puissance de calcul dans les années 90, ces chercheurs ont pu fabriquer des lentilles corrigées des aberrations en s’appuyant sur les champs électromagnétiques pour focaliser les faisceaux d’électrons. Dès lors, l’imagerie au sous-angström (moins d’un dix milliardième de mètre) et l’analyse chimique en trois dimensions sont devenues des méthodes de caractérisation standard.

Le Prix Kavli d’un million de dollars américains est partagé par :

  • Harald Rose, pour avoir proposé une nouvelle conception de lentille, le correcteur Rose, permettant une correction des aberrations dans la microscopie électronique par transmission qui peut être appliquée à la fois aux microscopes électroniques par transmission conventionnels et à balayage.
  • Maximilian Haider, pour la réalisation du premier correcteur sextupolaire, basé sur la conception de Rose, et pour son rôle dans la mise en œuvre du premier microscope électronique par transmission conventionnel corrigé des aberrations.
  • Knut Urban, pour son rôle dans la mise en œuvre du premier microscope électronique par transmission conventionnel corrigé des aberrations.
  • Ondrej Krivanek, pour la réalisation du premier microscope électronique à balayage par transmission corrigé des aberrations (un type de microscope électronique par transmission où le faisceau d’électrons est concentré sur un petit point) avec une résolution au sous-angström, convenant bien à l’analyse chimique spatialement résolue ; obtenu grâce à un correcteur quadrupolaire-octuplaire.

« Leur travail est un fabuleux exemple d’ingéniosité scientifique, de dévouement et de persévérance. Ils ont permis à l’humanité de voir ce qui n’était pas visible auparavant », a déclaré Bodil Holst, président du Comité du Prix Kavli en nanosciences. « Il est plus important que jamais d’honorer ces scientifiques et de faire savoir au monde entier qui ils sont et comment ils ont transformé la recherche, la technologie, les industries et nos vies. »

Pour plus d’informations, consulter le site Internet du Prix Kavli.

Découverte de récepteurs sensoriels pour la température et la pression

Le Prix Kavli en neurosciences est décerné à David Julius et Ardem Patapoutian pour leurs découvertes indépendantes de récepteurs sensoriels pour la température et la pression, respectivement. Alors que les mécanismes de l’odorat et de la vision ont été décrits depuis longtemps, il manquait une vision moléculaire spécifique de la façon dont les propriétés physiques comme la température et la pression étaient détectées et codées en signaux électriques pouvant ensuite être traités par le cerveau. Au cours des deux dernières décennies, D. Julius et A. Patapoutian ont décrit indépendamment les mécanismes moléculaires qui sous-tendent les sensibilités à la température et à la pression, ainsi qu’à la douleur, et ont apporté de nouvelles perspectives sur la physiologie humaine et les maladies.

David Julius, physiologiste et professeur à l’Université de Californie (San Francisco) a utilisé une approche élégante pour découvrir comment le corps détecte les températures élevées et basses en exploitant le fait que certains produits chimiques imitent différentes températures, comme la chaleur provoquée par des piments très forts et la fraîcheur de la menthe. D. Julius et son équipe ont commencé par employer la capsaïcine, le composé des piments qui provoque la sensation de chaleur, pour identifier le gène codant le premier capteur sensible à la température connu, le canal ionique nommé TRPV1. David Julius a également découvert que le canal TRPV1 est aussi activé par des concentrations élevées de protons et de composés chimiques générés au cours de la réponse inflammatoire fournissant une base moléculaire pour l’hypersensibilité à la douleur observée dans les tissus abîmés et enflammés. Ce canal ionique est un intégrateur moléculaire pour la détection de température et les signaux inflammatoires. La chaleur, qu’elle provienne d’un piment fort ou d’un café brûlant, est codée par le même capteur.

Des expériences génétiques menées par D. Julius ont ensuite démontré que la sensibilité à la chaleur de souris mutantes dépourvues de TRPV1 était réduite, de même que la douleur provoquée par une inflammation ou le cancer. Cette découverte a conduit à l’identification d’une famille de canaux impliqués dans la détection de gammes spécifiques de températures chaudes et froides, ainsi que des irritants et des processus inflammatoires qui peuvent entraîner une douleur débilitante. Dans d’autres expériences, David Julius et ses collaborateurs ont identifié ces canaux comme des capteurs de chaleur infrarouge chez les chauves-souris vampires et les serpents, et comme des cibles de toxines d’araignées et de scorpions, ce qui appuie encore davantage leurs rôles dans la sensation de température et de douleur dans le monde animal. Le TRPV1 nouvellement découvert et les canaux associés sont désormais des domaines à explorer pour le développement de nouveaux médicaments analgésiques.

Ardem Patapoutian, professeur à Scripps Research et chercheur à l’Institut médical Howard Hughes, a découvert une famille de canaux ioniques sensibles à la pression, les PIEZO, avec des racines profondes dans l’évolution, car ils sont présents dans de nombreuses espèces lointaines.

Patapoutian et ses collègues ont employé des cellules d’une lignée de neuroblastome, qui peuvent être cultivées en laboratoire. Ces cellules répondent aux changements de pression par rapport à un léger toucher en générant un signal électrique. Avec une liste sélective de plus de 300 gènes suspects (sur les plus de 20 000 existant dans notre ADN) qui pourraient être codés en canal sensible à la pression, ils ont réalisé des cultures de cellules, dont ils ont écarté un gène à la fois. Le laboratoire d’Ardem Patapoutian a ensuite testé les échantillons l’un après l’autre, à la recherche du gène qui, lorsqu’il manquait, empêchait les cellules de détecter la pression. C’est le gène candidat nº 72 sur la liste qui s’est avéré être le bon.

Patapoutian a su rapidement confirmer que les PIEZO étaient essentiels à la détection de la pression chez les mammifères. Ses travaux ont montré que les PIEZO forment des canaux ioniques et qu’ils sont directement responsables de la détection de la pression par les cellules Merkel et les terminaisons sensorielles tactiles de la peau, ainsi que par les propriocepteurs (récepteurs sensoriels avec des terminaisons dans le muscle, qui répondent à la position et au mouvement du corps dans l’espace).

Les PIEZO détectent également la pression à travers les terminaisons nerveuses dans les vaisseaux sanguins et dans les poumons. Ils affectent le volume des globules rouges, la physiologie vasculaire et sous-tendent un vaste éventail de troubles génétiques humains. La découverte des PIEZO a ouvert la porte à la compréhension de la mécanobiologie, un domaine scientifique émergent recoupant la biologie, l’ingénierie et la physique, qui se concentre sur la façon dont les forces physiques et le changement des propriétés mécaniques des cellules et des tissus contribuent à la santé et la maladie.

« Les découvertes individuelles de David Julius et Ardem Patapoutian ont apporté à la communauté scientifique la base moléculaire et neuronale de la thermosensation et de la mécanosensation qui révolutionne notre perspective de la détection sensorielle et aura un impact profond sur la santé et la maladie dans le monde entier », a affirmé Kristine B. Walhovd, membre du Comité du Prix Kavli en neurosciences.

Pour plus d’informations, consulter le site Internet du Prix Kavli.

À propos du Prix Kavli :

Le Prix Kavli est un partenariat entre l’Académie norvégienne des sciences et des lettres, le ministère norvégien de l’Éducation et de la Recherche et la Fondation Kavli (États-Unis). Le Prix Kavli rend hommage aux scientifiques pour les avancées en astrophysique, en nanosciences et en neurosciences qui transforment notre vision du très-grand, du très-petit et du très-complexe. Des prix de trois millions de dollars sont décernés tous les deux ans dans chacun des trois domaines. L’Académie norvégienne des sciences et des lettres sélectionne les lauréats sur les recommandations de trois comités de prix dont les membres sont nommés par l’Académie chinoise des sciences, l’Académie française des sciences, la Société Max-Planck (Allemagne), la National Academy of Sciences (États-Unis) et la Royal Society (Royaume-Uni). Décerné pour la première fois en 2008, le Prix Kavli a récompensé 54 scientifiques de 13 pays : Autriche, Allemagne, États-Unis, France, Japon, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Russie, Suède et Suisse.

Pour obtenir des informations plus précises sur le Prix Kavli, ainsi que sur les lauréats 2020 et leurs travaux, voir www.kavliprize.org.

Le Prix Kavli est généralement remis aux lauréats à Oslo (Norvège), à l’occasion d’une cérémonie présidée par Sa Majesté le Roi Harald suivie d’un banquet à l’hôtel de ville d’Oslo, lieu du prix Nobel de la paix. En raison de la pandémie de COVID-19, la cérémonie de remise des prix de cette année est reportée et se tiendra en même temps que la cérémonie de remise des prix 2022, en septembre 2022.

 

Pour tout renseignement, contacter :

Marina Tofting (Norvège)
Académie norvégienne des sciences et des lettres
+ 47 938 66 312
marina.tofting@dnva.no

Stacey Bailey (États-Unis)
La Fondation Kavli
+ 310 739 2859
sbailey@kavlifoundation.org