Discours du ministre des Affaires étrangères - Union européenne et Espace économique européen

Le 14 novembre, le ministre norvégien des Affaires étrangères Espen Barth Eide s’est exprimé devant le Storting (le Parlement norvégien), lors de sa présentation semestrielle sur les questions importantes relatives à l'UE et à l'EEE.

Monsieur le Président,

Il y a une semaine, j'ai participé à la visite officielle du couple princier en Allemagne - le partenaire le plus important de la Norvège en Europe. Cette visite coïncidait avec la commémoration d’une journée historique pour l’Allemagne et l’Europe, celle de la chute du mur de Berlin. Le 9 novembre 1989 a pour ainsi dire ouvert la voie à l'unification de l'Europe. Nous avons commémoré l’événement cette année avec le maire de Berlin.

Nous commémorions également la Nuit de Cristal, qui a eu lieu en 1938, également un 9 novembre. L'un des chapitres les plus sombres de l'histoire de notre continent commençait alors.

Ce fut une expérience très forte, qui nous a aussi rappelé à quel point l'Europe a changé depuis la chute du mur, et que la cohésion et la coopération aujourd'hui en Europe étaient presque impensables il y a seulement une génération. L’occasion aussi de réaliser combien nous aurions à perdre si nous ne nous unissions pas pour protéger l'étroite coopération qui existe en Europe.

 

 

Monsieur le Président,

La Norvège est étroitement liée à l'UE au travers de l'EEE, de l’accord de Schengen et plus de 70 accords passés - une collaboration qui nous a bien profité depuis près de 30 ans.

Notre relation avec l'UE se caractérise principalement par la coopération et la confiance mutuelle, et nous souhaitons qu'elle se poursuive ainsi. Mais pour y parvenir, nous devons poursuivre la bonne gestion de nos relations avec l'UE.

La coopération avec l’UE s'est développée rapidement ces dernières années, à la faveur de crises et de défis majeurs tels la crise climatique, la pandémie et la guerre en Ukraine.

Toutefois, lorsque l'UE développe sa coopération, elle le fait en grande partie dans des domaines qui ne relèvent pas de la coopération avec l'EEE.

Il est souvent de l'intérêt de la Norvège de se joindre à de nouvelles initiatives de l'UE, en dehors du cadre formel de l'accord EEE. C'est le cas notamment dans le domaine de la santé, de la coopération en matière de satellites, ou dans bien d'autres domaines.

Dans le même temps, nous constatons que l'UE fixe des limites plus claires pour les pays qui ne font pas partie de l'Union. C'est là une conséquence des processus liés au Brexit, entre autres. Cela signifie qu'il est devenu plus difficile de faire accepter des adaptations spécifiques aux besoins norvégiens.

 

Monsieur le Président,

Afin de renforcer notre position dans les négociations avec l'UE dans des domaines importants, le gouvernement travaille activement à réduire ce que l'on appelle « l'arriéré EEE ».

  • La participation au marché intérieur dans l'EEE repose sur un cadre réglementaire uniforme comprenant des droits et obligations à part égale. La réduction de « l'arriéré » est donc importante pour la poursuite du bon fonctionnement de la coopération au sein de l'EEE.
  • Elle est également importante pour l'accès des entreprises norvégiennes au marché intérieur, et donc pour l’emploi norvégien.
  • Elle garantit également aux entreprises norvégiennes l'accès à une main-d'œuvre importante provenant de toute la zone de l'EEE.
  • Et surtout, le bon fonctionnement de la coopération avec l'EEE garantit aux citoyens norvégiens le droit d'étudier, de travailler, de s'établir et de résider librement dans 29 autres pays de l'EEE.

 

 

Monsieur le Président,

 

La Norvège et l'UE ont un intérêt commun à promouvoir la transition écologique et la sécurité énergétique en Europe. La Norvège dispose d'une grande expérience, d'une expertise et de ressources qui sont très recherchées. Dans le même temps, la Norvège dépend d'une coopération plus large pour atteindre ses propres objectifs climatiques et son propre développement industriel vert.

 

En avril, le Premier Ministre et le Président de la Commission européenne ont signé l'Alliance verte. L'Alliance verte est un cadre politique qui donne à la coopération entre la Norvège et l'UE un élan supplémentaire, et ce cadre constitue une plateforme commune.

Le gouvernement tient à ce que l'industrie norvégienne et les autres acteurs soient traités sur un pied d’égalité dans l’accès aux nouveaux marchés de la transition verte en Europe.

Nous nous efforçons à présent de doter l’Alliance verte d'une coopération et d'un contenu concrets. Nous renforcerons la coopération dans le domaine des minéraux et des batteries. La prochaine étape consistera à élaborer des feuilles de route et des plans de travail dans d'autres domaines prioritaires de l'Alliance verte.

La Norvège est un partenaire énergétique et industriel important et un fournisseur stable en pétrole et gaz, ce qui contribue à la sécurité énergétique de l'Europe. Dans le même temps, nous veillons à assurer une transition juste et équitable, à sauvegarder les intérêts légitimes de l'industrie et de la population, et à protéger la nature et l'environnement.

 

 

Monsieur le Président,

Nous voulons atteindre nos objectifs climatiques en coopération avec l'UE. Le paquet « Fit for 55 » (« Ajustement à l’objectif 55 ») de l'UE introduit une réglementation qui permettra à l'UE d'atteindre son objectif statutaire de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Dans les mois à venir, l'UE entamera des discussions sur les objectifs climatiques pour 2040, lesquels traceront la voie à suivre pour atteindre la neutralité climatique en 2050.

Le rythme de travail de l'UE est très soutenu, avec une réglementation renforcée en matière de réduction des émissions, de transition écologique et de croissance verte. Ces travaux entrent à présent dans une phase de réalisation.

À partir de l'année prochaine, les émissions du transport maritime seront incluses dans le système de quotas climatiques de l'UE, le SEQE-UE. Nous travaillons sans relâche pour faire en sorte que les réglementations renforcées en matière de quotas climatiques s'appliquent à la Norvège et à l'ensemble de la zone EEE dès le premier jour, soit le 1er janvier 2024. Ceci permettra de mettre en place des conditions de concurrence équitables, de nous épargner des dispositions transitoires coûteuses et d'ouvrir la voie à de nouveaux développements industriels.

L'année 2030 arrive à grands pas.

Néanmoins, nous ne brûlons jamais les étapes lorsque nous évaluons si - et le cas échéant de quelle façon -, nous allons adopter les réglementations de l'UE. Ni dans ce domaine, ni dans d'autres.

D'une manière générale, la coopération en matière de transition écologique progresse bien en Europe, y compris dans des domaines très importants pour la Norvège, tels que les solutions à faible teneur en carbone, le CSC, l'hydrogène et l'ammoniac, le transport maritime écologique, l'énergie éolienne en mer et les matières premières stratégiques.

Il est important de développer cette collaboration pour réussir la transition verte, atteindre les objectifs climatiques, assurer la création de valeur et nous positionner face à la concurrence mondiale.

La feuille de route 2.0 du gouvernement pour la promotion de l'industrie verte présente de nombreux points communs avec les priorités de l'UE. Les secteurs prioritaires sont en grande partie les mêmes, comme l'énergie solaire, les batteries, l'hydrogène, le captage et le stockage du carbone, ainsi que l'énergie éolienne en mer.

Nous partageons l'ambition d'améliorer le climat d'investissement pour l'industrie européenne dans sa transition verte, tout en soutenant un système d'échange stable et basé sur des réglementations.

La Norvège a renforcé sa coopération avec plusieurs pays dans les domaines de l'énergie, de l'industrie, du climat et de l'environnement, des transports, les domaines maritimes, de la recherche et de l'innovation.

Nous pensons que les collaborations bilatérales initiées par le gouvernement seront des instruments importants pour promouvoir la transition verte, tant en Norvège qu’avec nos partenaires proches.

Les actes juridiques inclus dans le paquet « Energie propre » sont essentiels pour atteindre les objectifs de l'UE en matière d'énergie et de climat à l'horizon 2030. Nous soutenons l'ambition de l'UE de développer un secteur énergétique propre et compétitif, au plus bas coût possible. La Norvège s’est déjà fixé des objectifs ambitieux en matière d'énergies renouvelables, qu’elle utilise déjà en proportion élevée. Dans nos évaluations des règlements adoptés par l'UE, les effets sur le secteur énergétique norvégien seront au cœur de nos préoccupations. Nous devons défendre les dispositions de notre constitution et garantir pleinement les intérêts norvégiens. Il est trop tôt pour dire quand sera présenté au Storting le paquet « Energie propre ».

 

 

Monsieur le Président,

La loi américaine sur la réduction de l'inflation (IRA) a contribué à l'augmentation rapide des investissements américains dans le domaine du climat – et ceci est un point positif.

C'est bon pour l'atmosphère, et pour le climat. Nous avons besoin que les États-Unis soient ambitieux et tournés vers l'avenir, dans cette lutte contre le changement climatique. L'IRA offre également des opportunités de marché et d'investissement pour les entreprises norvégiennes.

Mais il y a aussi des défis, car l'IRA est conçu de telle manière que l'accès des entreprises norvégiennes à certaines chaînes de valeur peut être limité.

Nous avons travaillé systématiquement pour faire comprendre les contributions norvégiennes dans les chaînes de valeur européennes et transatlantiques qui sont importantes pour la transition verte, et pour veiller à ce que les entreprises norvégiennes bénéficient de conditions équitables dans le marché intérieur.

Nous ne sommes pas encore parvenus à notre objectif, mais nous pouvons constater que nos efforts portent leurs fruits.

 

 

Monsieur le Président,

La pandémie a montré que nous sommes vulnérables lorsqu'une crise sanitaire provoque l'effondrement des marchés mondiaux. Nous n'avons pas pu obtenir des vaccins importants pour chacun d'entre nous. La plupart des autres pays en Europe ont fait la même expérience. L'UE a donc choisi d'agir collectivement pour se procurer des vaccins. L'accord EEE intègre la Norvège dans un cadre réglementaire européen commun pour les médicaments. Il s'agissait d'une condition préalable absolument nécessaire pour participer à la coopération européenne en matière de vaccins, et pour garantir la libre circulation des équipements de protection et des fournitures essentielles pour les hôpitaux norvégiens. Il n'allait cependant pas de soi alors que nous participerions à l'achat commun de vaccins de l'UE. La pandémie a montré combien la Norvège est vulnérable si elle est seule. Afin de mieux nous préparer pour faire face aux crises futures, le gouvernement travaille à une coopération renforcée avec l'Europe en matière de préparation sanitaire. Ainsi, nous serons plus en sécurité lors d’une prochaine pandémie.

Par la suite, l'UE a pris l'initiative de renforcer sa préparation sanitaire. L'UE est en train de mettre en place un dispositif qui lui permettra de faire face à une nouvelle crise sanitaire.

Conformément aux recommandations de la Commission sur la Covid-19, le gouvernement souhaite que la Norvège puisse participer à la coopération renforcée de l'UE en matière de préparation sanitaire. Cette coopération dépasse le cadre de l'accord EEE, et la participation de la Norvège nécessite donc un accord distinct avec l'UE.

Nous sommes en pourparlers avec l'UE - de façon informelle et positive -, au sujet d'un tel accord. Nous souhaitons à présent entamer des négociations formelles. Le gouvernement travaille activement pour faire avancer ce processus.

 

Monsieur le Président,

Depuis 1986, la Norvège accorde un quota de cabillauds aux navires des pays de l'UE dans la zone de pêche protégée au Svalbard. Le quota est basé sur la pêche qui avait lieu dans la région avant la création de cette zone.

Lorsque le Royaume-Uni a quitté l'UE, la pêche britannique a été soustraite de la base de calcul, ce qui a suscité des réactions de la part de l'UE.

En avril 2022, la Norvège et l'UE sont parvenues à un accord, lequel impliquait que les navires de l'UE recevraient un quota plus élevé en 2022 qu'en 2021. Pour que ceci puisse perdurer cette année, la condition était que l'UE établisse ses propres réglementations pour la pêche dans les eaux internationales. La Norvège a établi des règles similaires pour les navires norvégiens afin de garantir une pêche durable.

Malheureusement, l'UE n'a que partiellement mis en œuvre la part de l'accord qui lui incombe. Et c’est la raison pour laquelle les navires de l'UE ont obtenu des quotas réduits lorsque la Norvège a fixé le quota final pour 2023.

 

 

Monsieur le Président,

L’année dernière ont débuté les négociations avec l'UE sur une nouvelle période de contribution aux fonds de l’EEE. La Norvège, l'Islande et le Liechtenstein doivent trouver un accord avec l'UE sur le montant, le mécanisme et les priorités de cette contribution. Les négociations sont exigeantes.

Côté norvégien, nous insistons sur le fait que les subventions de l'EEE doivent contribuer à une péréquation économique et sociale. Dans le même temps, il est important qu’elles promeuvent et qu’elles protègent les valeurs fondamentales communes telles que l'État de droit et la démocratie.

Leur montant est naturellement un sujet majeur des négociations. Au total, nous contribuons à hauteur de 2,8 milliards d'euros pour la période actuelle. L'UE souhaite une augmentation de ce montant.

Nous partons du principe que le montant de la contribution doit être raisonnable par rapport 1) au besoin de péréquation, 2) aux efforts de solidarité de l'UE et 3) à la péréquation qui a déjà eu lieu.

Il est également important pour la Norvège de disposer de bons mécanismes de contrôle de l'utilisation des fonds.

En ce qui concerne le choix des secteurs et le choix des domaines dans lesquels des efforts doivent être menés, la Norvège attache une grande importance au développement d'objectifs européens communs dans le cadre des relations bilatérales, ainsi qu'aux objectifs nationaux dans les pays bénéficiaires.

L’initiative écologique de l'Europe et le renforcement de la démocratie, des droits fondamentaux et de la société civile restent au centre des préoccupations. Les pays bénéficiaires seront les 15 mêmes pays qui, déjà, ont droit actuellement aux fonds de l'EEE.

Parallèlement, la Norvège et l'Islande négocient avec l'UE pour améliorer le régime commercial des produits de la mer. L'amélioration de l'accès au marché de l'UE est une condition préalable à la conclusion d'un accord sur la contribution aux nouveaux fonds de l'EEE.

La Norvège est le premier fournisseur de produits de la mer de l'Union européenne. Les consommateurs européens veulent un poisson norvégien sain et sûr. Dans le même temps, les produits de la mer norvégiens contribuent de manière significative à l'activité économique et à l'emploi dans l'UE.

La production norvégienne de produits de la mer assure à la fois la sécurité de l'approvisionnement, une plus grande autonomie et une plus grande robustesse en Europe. Il est donc paradoxal que les produits de la mer norvégiens soient soumis à un régime douanier plus complexe dans l'UE que d'autres partenaires de libre-échange.

 

 

Monsieur le Président,

L’UE discute depuis longtemps de la manière de réformer la coopération en matière d'asile et de migration. La Commission a proposé un ensemble de mesures réglementaires, le « pacte sur la migration et l’asile ».

En octobre, les États membres se sont mis d'accord sur les principaux éléments du pacte. En soi, ceci une étape importante dans les discussions, qui sont très exigeantes. Des négociations sont en cours avec le Parlement européen, qui doit également donner son approbation.

La Norvège sera incluse dans les règlementations qui relèvent soit de l’accord de Schengen, soit de l'accord de Dublin. Je ferai le point avec une évaluation des conséquences pour la Norvège une fois les règlementations négociées dans l'UE.

Toutes les parties bénéficient de la bonne coopération de l'Europe en matière de contrôle des frontières extérieures et de la solidarité entre les pays.

 

 

Monsieur le Président,

L'État de droit et la démocratie continuent de subir des pressions dans certains pays européens. Mais il y a aussi des signes positifs importants.

Les élections en Pologne laissent espérer un développement démocratique, après de nombreuses années de démantèlement systématique de l'État de droit dans le pays. On peut également s'attendre à ce que le nouveau gouvernement polonais entretienne des relations nettement plus positives avec l'UE et la coopération européenne. Il y a également de bonnes raisons de penser que le nouveau gouvernement polonais continuera d’apporter un soutien important à l'Ukraine.

Dans le même temps, l'évolution négative que nous observons depuis longtemps en Hongrie se poursuit.

Nous suivrons également de près le récent changement de gouvernement en Slovaquie.

 

 

Monsieur le Président,

L'intelligence artificielle offrira de grandes opportunités - pour les individus, les entreprises et le secteur public. Nous devons faciliter l'innovation et le développement. Dans le même temps, nous devons garantir un cadre sûr, une utilisation éthique et le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques.

Nous avons besoin d'une bonne réglementation de l'intelligence artificielle. C'est la raison pour laquelle nous avons contribué aux travaux de l'UE sur une règlementation de l'intelligence artificielle – travaux que nous continuons de suivre de près. Cette réglementation peut également s'appliquer à la Norvège dans le cadre de l'accord EEE.

Les négociations sont toujours en cours au sein de l'UE. Cette réglementation nous semble bonne, et correspond bien aux priorités du gouvernement. La proposition vise à promouvoir l'innovation, tandis que la règlementation doit contribuer au développement et à l'utilisation responsables de l'intelligence artificielle.

La proposition se fonde sur le fait que plus un système d'intelligence artificielle présente de risques pour la société et les individus – comme les risques liés à la santé, à la sécurité et aux droits fondamentaux -, plus cette réglementation doit être stricte.

Elle comprendra des dispositions relatives à la vente et à l'utilisation de systèmes dotés d'une intelligence artificielle. La surveillance du marché national, le contrôle et les sanctions font aussi l’objet de cette réglementation. Il a également été proposé de créer au sein de l'UE un organisme spécifique dédié à l'intelligence artificielle, en charge de la coordination et du conseil.

Nous devons garder à l’esprit, Monsieur le Président, que l'Europe est dans ce domaine, à bien des égards, comme une ‘’île’’, entre d’un côté les États-Unis, et de l’autre la Chine. Il est important que l'Europe trace sa propre voie. Par exemple, les questions relatives à la protection de la vie privée sont davantage prises en compte dans l’UE - et de loin -, qu'aux États-Unis et en Chine.

L'UE travaillera à l'adoption de cette réglementation dans les mois à venir. Les préparatifs en vue de son incorporation dans l'accord EEE et sa traduction dans la législation norvégienne sont bien avancés.

 

 

Monsieur le Président,

La guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine menace la sécurité de toute l'Europe.

Pour nous défendre, nous devons rester unis. L'Europe doit utiliser efficacement les mécanismes de coopération dont elle dispose. Et nous devons en trouver de nouveaux quand cela s’avère nécessaire.

La Communauté politique européenne (CPE) en est un exemple.

La CPE réunit des chefs d'État et de gouvernement de toute l'Europe. Deux pays n’y sont pas invités : la Russie et la Biélorussie. Ce nouveau format est un symbole fort de l'unité européenne face à l'agression russe et aux défis communs.

La CPE s'est réunie pour la première fois l'année dernière, à Prague. Le 5 octobre dernier, le Premier Ministre Støre a participé à la troisième réunion qui avait lieu à Grenade, en Espagne.

En ce qui concerne la Norvège, notre participation à l'EPC s'inscrit dans la ligne fondamentale de la politique européenne et de nos efforts en faveur de l'Ukraine : la coopération et le dialogue au travers des canaux dont nous disposons - nouveaux et anciens.

 

 

Monsieur le Président,

Notre soutien aux sanctions de l'UE contre la Russie et la Biélorussie est une contribution importante à l'unité européenne. Les sanctions ont contribué à affaiblir l'économie russe. Dans le même temps, nous constatons de plus en plus que certains acteurs de pays tiers contribuent au contournement de ces sanctions.

Le 11ème paquet de sanctions de l'UE - auquel s’est jointe la Norvège -, renforcera les sanctions existantes et s'attaquera audit contournement. Cela passera principalement par l'intensification de la coopération avec les pays tiers et la fourniture d'une assistance technique.

Si elle échoue, cette série de sanctions ouvrira la voie à l'adoption par l'UE de mesures proportionnées et ciblées visant à priver la Russie des ressources qui lui permettent de poursuivre sa guerre d'agression contre l'Ukraine. S’il est besoin, avant, le cas échéant, de nous joindre à l’UE, nous évaluerons ces sanctions ajustées.

Dans le cadre de cette guerre d'agression menée par la Russie, il est important de prêter attention à la façon dont nous traitons les citoyens russes qui souhaitent entrer dans l'espace Schengen.

Nous sommes en dialogue étroit avec nos voisins et alliés à ce sujet. Il est important pour nous de nous aligner sur une position qui soit la plus coordonnée possible.

La pratique norvégienne s'écarte légèrement de celle des autres pays de l'espace Schengen ayant des frontières avec la Russie.

La Norvège a eu - et elle continue d'avoir -, une pratique très restrictive en matière de visas pour les citoyens russes. En 2022, la Norvège a délivré un peu moins de trois mille visas à des citoyens russes, et ce nombre sera nettement inférieur en 2023.

Ces mesures de restriction font l'objet d'une évaluation continue. De septembre 2022 à septembre 2023, le nombre de citoyens russes passant par Storskog est resté stable, avec une moyenne d'environ 3 100 entrées par mois.

À l'instar de la Finlande, des pays baltes et d'autres pays de l'UE limitrophes de la Russie, la Norvège a interdit provisoirement l’entrée aux voitures immatriculées en Russie. Après l'introduction de cette interdiction le 3 octobre, le nombre de personnes entrant par Storskog a chuté de manière significative.

 

 

Monsieur le Président,

Il est important de bien coordonner les efforts européens en faveur de l'Ukraine afin d'utiliser au mieux les ressources. Notre participation au mécanisme de protection civile de l'UE (UCPM) nous permet de donner du matériel rapidement et à moindre coût. Grâce à cet accord, nous contribuons également à l'évacuation des patients hors de l'Ukraine.

La Norvège entend également soutenir les efforts de l'UE pour aider la police et le parquet ukrainiens (Mission de conseil aux forces de sécurité intérieure ukrainiennes - UEAM Ukraine) avec du personnel norvégien.

Depuis l'invasion russe, la Norvège a contribué à sécuriser l'approvisionnement en gaz et en électricité en Ukraine. Nous avons fourni 3,5 milliards de couronnes norvégiennes par l'intermédiaire de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

La BERD est un partenaire clé du programme Nansen, en particulier dans le secteur de l'énergie. Depuis plusieurs années, la BERD a collaboré avec les entreprises publiques ukrainiennes du secteur de l'énergie, et elle a contribué aux travaux sur les réformes et les mesures anti-corruption. Depuis l'attaque de la Russie, ces entreprises du secteur de l’énergie ont également été aidées par des paquets de financement, notamment pour l'achat de gaz et la réparation des infrastructures endommagées.

 

 

Monsieur le Président,

Cette coopération européenne est importante pour le soutien économique et matériel à la défense de l'Ukraine contre la Russie. La coopération industrielle européenne en matière de défense sera également cruciale pour le renforcement de notre propre capacité de défense dans les années à venir.

Nous avons soutenu la mission de formation militaire de l'UE pour l'Ukraine avec une contribution de 150 millions de couronnes norvégiennes, et avec des instructeurs militaires sur place, en Pologne et en Allemagne. Nous avons augmenté notre contribution en tant qu'instructeur en 2023, et nous maintiendrons ce niveau élevé en 2024 également.

La Norvège a aussi contribué à hauteur de 250 millions de couronnes norvégiennes à l'acquisition de munitions pour les chars Leopard 2 par le biais du programme de soutien en matériel militaire de l'UE – « la Facilité européenne pour la paix ».

Les munitions sont au cœur de la contribution norvégienne. Il faut renforcer considérablement la production de munitions en Europe.

Ceci est nécessaire tant pour approvisionner l'Ukraine que pour assurer nos propres besoins. Il est donc absolument nécessaire d'investir rapidement pour augmenter la capacité de production.

L'industrie norvégienne de l'armement joue un rôle important dans ce contexte, avec une part significative de la production totale de l'Europe, et déjà deux commandes de munitions importantes passées à l'industrie norvégienne de l'armement par le gouvernement.

Nous renforçons encore davantage aujourd'hui notre contribution en participant à deux nouveaux programmes de l'UE. Le premier, ASAP (Loi de soutien à la production de munitions) prévoit des incitations financières importantes pour l'industrie de la défense norvégienne.

Et le second, EDIRPA (Renforcement de l’industrie européenne de la défense par le biais de la loi commune sur les marchés publics), offre des avantages économiques lorsque les pays européens achètent ensemble du matériel de défense européen. Ceci contribue également à renforcer la capacité à soutenir l'Ukraine sur le plan militaire.

À terme, ces deux programmes peuvent contribuer de manière importante à une répartition plus équilibrée des charges au sein de l'OTAN, dans laquelle les alliés européens assumeront une plus grande responsabilité en matière de sécurité en Europe. Le Secrétaire général Stoltenberg comme l'administration américaine ont tous deux souligné l'importance de ce point.

Il est également important de noter que la participation norvégienne à ces deux programmes de politique de sécurité s'inscrit dans le cadre de l'accord EEE. Il garantit à l'industrie norvégienne les mêmes conditions qu'aux acteurs basés dans les pays de l'UE.

Comme le gouvernement l'a souligné à plusieurs reprises, Monsieur le Président, la Norvège souhaite participer à Secure Connectivity - le programme de l'UE pour les communications sécurisées par satellite. Ce programme permettra, entre autres, de développer des systèmes de communication pouvant être utilisés pour la gestion des crises et le renforcement de la sécurité publique. La participation norvégienne sera importante pour la coopération opérationnelle avec l'UE, nos pays voisins, et d'autres pays européens, dans des domaines importants pour notre sécurité.

Notre participation sera également importante pour l'industrie spatiale norvégienne et l'industrie de la défense norvégienne. Les travaux relatifs à l’élaboration de l'accord nécessaire sont en cours, et je me réjouis de vous annoncer que la Commission est favorable à la participation de la Norvège.

 

 

Monsieur le Président,

À la suite de l'attaque massive de la Russie contre l'Ukraine, l'UE a acquis une importance accrue en matière de politique de sécurité - y compris pour la Norvège. Non pas aux dépens de l'OTAN, mais en étroite coopération avec elle.

L'OTAN est responsable au premier chef de la dissuasion militaire et de la défense collective. L'UE, quant à elle, dispose d’un large éventail d'instruments économiques et civils. Elle soutient l'Ukraine en matière d’armement et assure une coopération industrielle dans le domaine de la défense. Le fait que l'UE et l'OTAN interagissent et se complètent renforce la coopération transatlantique, et ceci est dans l'intérêt de la Norvège. Cependant, je pense qu'il est important de souligner que l'OTAN et l'UE puisent en grande partie dans les mêmes ressources en Europe, et qu'il est très important d'éviter les doublons.

 

 

Monsieur le Président,

Le gouvernement n'a pas pris de position définitive sur les différentes propositions contenues dans le rapport de la Commission de défense. Notre appartenance à l'OTAN est la pierre angulaire de notre politique de défense et de sécurité. L'UE ne devrait pas remplacer ou concurrencer l'OTAN en matière de dissuasion, de sécurité et de défense.

Permettez-moi également de souligner que nous entretenons déjà une bonne coopération avec l'UE sur ces questions. Le gouvernement considère que la sécurité norvégienne et la sécurité européenne sont liées, et nous travaillons activement au développement de la coopération avec l’UE en matière de défense, conformément aux intérêts norvégiens.

Les rapports de la Commission de défense et de la Commission de préparation totale («totalberedskapskommisjonen») fournissent une large base de données de qualité pour le développement futur de la politique de sécurité et de la protection civile.

L'OTAN demeure cruciale pour la politique de sécurité norvégienne, pour notre sécurité collective et notre capacité de dissuasion. Mais nous devons reconnaître que, dans le même temps, l'importance de la politique de sécurité de l'UE s'accroît, y compris pour la Norvège.

Il est donc important que le gouvernement norvégien maintienne le cap qui est le sien depuis longtemps, en matière de politique étrangère, à savoir la recherche d'une coopération étroite avec l'UE et avec d'autres acteurs de la coopération européenne et internationale.

 

 

Monsieur le Président,

La Norvège entretient une coopération étroite, et de qualité, avec les pays européens et avec l'UE.

Dans le même temps, plusieurs nouvelles initiatives de l'UE - dans lesquelles le gouvernement a décidé d'une participation norvégienne -, ne relèvent pas de l’accord EEE ni de l’accord de Schengen. Au regard de l’expérience tirée du Brexit, et face aux défis importants auxquels l'UE est actuellement confrontée, nous constatons que l'Union fixe désormais des limites plus claires entre ce qu’elle considère comme l'extérieur de l’UE et l'intérieur de l'UE. Ceci constituera également un défi pour la Norvège.

Dans le cadre de notre coopération avec l'UE, les gouvernements norvégiens successifs ont eu pour politique de ne pas établir de liens entre des sujets sans rapport entre eux.

Ceci a eu pour conséquence de bien servir nos intérêts, mais l’approche qui est la nôtre est de plus en plus remise en cause par l'UE. Nous ne pouvons plus espérer des avancées dans un secteur sans donner de contrepartie dans un autre. Il est donc dans notre intérêt de clarifier notre position, ou de réduire le nombre de désaccords avec l'UE.

 

 

Monsieur le Président,

Au fil des ans, nous avons mené plusieurs études relatives à l'UE, qui toutes ont conclu que nous devions nous impliquer sans tarder, que nous devions choisir nos dossiers et avoir de bons arguments si nous voulions faire avancer les intérêts norvégiens dans notre coopération avec l'UE. Ceci est de plus en plus vrai. La question est de savoir si nous répondons correctement à ce cahier des charges aujourd’hui, ou bien si nous entrons trop souvent trop tard dans les processus, sans priorités clairement définies au préalable, et avec des arguments trop peu élaborés.

 

 

Monsieur le Président,

Nous devons renforcer la coordination nationale vis-à-vis de l'UE, et être davantage disposés à évaluer les dossiers les uns par rapport aux autres - précisément pour permettre des avancées sur les questions de la plus haute importance pour la Norvège. C'est un point sur lequel le gouvernement et moi-même insisterons à l'avenir.

C’est sûrement une tâche exigeante, Monsieur le Président, mais elle est nécessaire pour garantir nos intérêts suprêmes dans une Europe qui devient de plus en plus importante pour la Norvège.