Discours de Tonje Skinnarland, Cheffe d’Etat-Major de l’armée de l’air norvégienne, Place Helland, à Villons-les-Buissons, le 6 juin 2019

Seul le prononcé fait foi

Mme la ministre de la Défense, M. le Maire, Mme l’ambassadeur, M. le Chef d’Etat-Major de la Défense, mesdames et messieurs, chers amis,

Villons-les-Buissons occupe une place importante dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, de l'invasion alliée et de l'armée de l'air royale norvégienne. Je suis donc vraiment honorée, fière et reconnaissante d'être ici aujourd'hui, 75 ans après le jour J.

Pour un Norvégien, venir ici, c'est comme rentrer à la maison. Rue de Norvège, Rue d’Oslo, Rue Narvik, et le monument à la mémoire des combattants norvégiens sont autant de signes visibles de notre fière histoire ici à Villons-les-Buissons. Cette Place Helland tient son nom de mon collègue, qui fut le premier pilote norvégien à atterrir en France après l'invasion alliée - le Lieutenant Johannes Helland.

Comme tant d’autres, Johannes Helland a fui la Norvège occupée par l’Allemagne nazie pour se rendre en 1941 à la base de formation du personnel militaire norvégien au Canada, baptisée «Little Norway». Le personnel norvégien y était initialement formé, avant d’être réenvoyé en Angleterre, où il intégrait la Royal Air Force. C’est ainsi qu’ils ont formé les premières escadrilles de chasse norvégiennes Nº 331 et 332, organisées au sein de l'escadron norvégien 132.

Helland et l'escadron norvégien ont joué un rôle important dans la libération des alliés de l'Europe occidentale, libération qui a commencé avec le jour J.

Il y a 75 ans, Helland et son escadron ont quitté l'Angleterre pour patrouiller au-dessus de la Normandie. Ils avaient une mission : éloigner les avions allemands, et assurer ainsi la supériorité aérienne, condition préalable à une invasion réussie. Ils ont été efficaces. Les opérations d’atterrissage extrêmement difficiles ont été effectuées sans être menacées par les airs.

Quelques jours plus tard, il était possible d'atterrir ici en Normandie sur les « Terrains d'Atterrissage Avancés » (« Advanced Landing Ground »). Les ingénieurs alliés, avec leurs bulldozers, avaient pu construire des pistes d’atterrissage, transformant des fermes de pommes et de pommes de terre en bases aériennes, qui étaient de véritables plaques tournantes pour les opérations alliées.

Le 11 juin, Helland et son escadron devaient atterrir pour la première fois en France. Après une patrouille au-dessus d’Omaha Beach, ils ont mis le cap vers la piste d’atterrissage de Sainte-Croix-sur-Mer, près de Juno Beach. La situation au sol était toujours chaotique. La défense antiaérienne allemande était intense, et plusieurs Spitfires ont été touchés. Un obus allemand a alors explosé, touchant l'avion de Helland au niveau des ailes. La priorité était alors d’atterrir, et Helland est devenu de ce fait le premier pilote norvégien à se poser en France.

Des techniciens britanniques ont ensuite rafistolé l'avion d’Helland avec du ruban adhésif. Et après avoir fait le plein, il a effectué une nouvelle patrouille au-dessus de la tête de pont, avant de rentrer en Angleterre.

L'atterrissage en Normandie a été une étape importante. Après l’exil qui avait duré plusieurs années, toucher le sol de l'Europe continentale était à nouveau un sentiment irrésistible. L'un des pilotes norvégiens qui a atterri en France le même jour que Helland l'a bien expliqué dans son journal: « D'une manière ou d'une autre, nous nous sommes sentis un peu plus proches de la Norvège ». La liberté était encore plus proche.     

Quelques semaines plus tard, Helland fut abattu à l'ouest de Paris. Il a sauté de son avion, et a été fait prisonnier pour le restant de la guerre. Après la guerre, Helland a débuté une carrière de pilote de ligne. Il est mort en 2009, à l'âge de 98 ans.

L’histoire de Johannes Helland reflète le courage dont a fait preuve le personnel norvégien pendant la guerre. Cela nous donne un aperçu de la foi et de la conviction qui étaient celles du personnel de l'escadron norvégien durant leur mission. Et cela illustre la loyauté, l'amitié et le travail d'équipe nécessaires pour que les opérations aériennes soient efficaces.

Johannes Helland est un héros. Mais il n'était qu'une pièce du puzzle. Helland ne s'est jamais vanté de ces faits de guerre, mais il a souligné que toute l'équipe de l'escadron était nécessaire à la réalisation de la mission. Ce sont les techniciens, le personnel de soutien et les pilotes qui, tous ensemble, ont permis le succès lors des atterrissages alliés.

De la mi-août à la mi-septembre 1944, l'escadron norvégien 132 opère à partir de Villons-les-Buissons. Les relations entre les villageois et le personnel de l'escadron étaient bonnes. Les aviateurs et les locaux échangeaient nourriture, chocolat et cigarettes contre des sous-vêtements lavés ou des chaussettes reprisées. Le personnel de l'escadron pouvait acheter du vin, des œufs, des légumes et - même si cela n'était pas autorisé - du Calvados, auprès des agriculteurs locaux.

Il y a cinq ans, en présence de Sa Majesté le Roi Harald V et de la Première Ministre norvégienne Erna Solberg, la veuve de Johannes Helland a dévoilé ce monument commémoratif dédié à son mari. La place Helland a officiellement été établie ici à Villons-les-Buissons, rappelant ainsi le coût de la liberté, et rappelant les efforts que nos soldats ont accomplis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Monsieur le maire, au nom de l'armée de l'air norvégienne, je tiens à vous remercier pour l'hospitalité que les hommes et les femmes de ce village ont manifestée envers le personnel norvégien durant la Seconde Guerre mondiale, et pour avoir perpétué leur histoire au cours des années suivantes. Nous apprécions votre amitié, et que vous nous aidiez à ne jamais oublier le combat commun mené par notre prédécesseur contre la tyrannie.

Nous devons à nos anciens combattants le fait de mener une vie bonne et pleine, qui donne toute sa signification à leurs sacrifices dans la lutte pour la prospérité, la démocratie et la liberté. Nous ne devons jamais oublier l'esprit de Johannes Helland et de ses camarades soldats de la Seconde Guerre mondiale.